Gouvernement bruxellois : les Engagés abandonnent la voie MR

15 Déc 2025 | Actualité | 0 commentaires

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Bruxelles replonge dans l’impasse politique après la rupture MR–Engagés

Après près de 550 jours de blocage, Yvan Verougstraete, président des Engagés, a annoncé le 11 décembre la fin des négociations avec le Mouvement Réformateur (MR) pour former un gouvernement bruxellois. Face à l’impasse budgétaire et idéologique, les Engagés lancent l’idée d’une coalition alternative avec le PS, Écolo et DéFI, mais sans le MR, écartant la première force francophone et soulevant de nombreuses interrogations sur la stabilité et la légitimité de cette nouvelle configuration.

Une crise longue de 550 jours

La Région de Bruxelles-Capitale est sans exécutif complet depuis mai 2024. Jamais, dans l’histoire récente, les négociations pour former un gouvernement régional n’ont été aussi longues. Pendant 550 jours, les formations francophones et flamandes se sont livrées à des tractations infructueuses, retardant toute décision majeure sur le budget, la mobilité ou la sécurité. Le tandem initial formé par le MR et les Engagés, avec George Louis Boucher comme formateur, n’a jamais réussi à surmonter ses divergences sur la répartition des compétences et les équilibres financiers.

De fait, l’absence d’un gouvernement pleinement opérationnel entraîne un gel partiel des initiatives législatives et un ralentissement des investissements publics. Les fonctionnaires bruxellois, soumis à une gestion en mode “caretaker”, ne peuvent lancer de nouveaux projets structurants, laissant une partie des enjeux urbains sans réponse concrète.

Les raisons de la rupture entre les Engagés et le MR

Yvan Verougstraete a justifié cette rupture en pointant « l’incapacité de la méthode Boucher à débloquer la situation » et le manque de concession du MR sur des questions budgétaires jugées intransigeantes. « Il est temps d’essayer les autres solutions possibles », a-t-il déclaré, soulignant que le MR, premier parti francophone avec 26 % des voix, n’a pas su adapter ses exigences aux réalités financières de la Région.

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Pour les Engagés, les discussions autour de la politique fiscale et de la réaffectation des recettes ont atteint un point de non-retour. D’un côté, le MR réclamait le maintien de baisses d’impôt jugées injustifiées en période de tension budgétaire. De l’autre, les partenaires francophones dénonçaient une absence de solidarité intercommunautaire et un manque de vision sociale. La divergence a fini par rendre impossible tout compromis durable.

Une coalition de contorsionniste à un siège de la majorité

Sans le MR, les Engagés espèrent forger une alliance avec le PS, Écolo et DéFI, qui totaliserait 36 sièges sur 72 à la Chambre bruxelloise francophone. Mais cette coalition hypothétique reste un siège en deçà de la majorité absolue (37 sièges requis), contraignant les faiseurs de gouvernement à solliciter des appuis extérieurs. Deux députés francophones indépendants apparaissent comme des forces d’appoint potentielles, mais leur ralliement ne va pas de soi et pourrait fragiliser la stabilité de l’exécutif.

Concrètement, cette configuration inédite marquerait un basculement : les quatre partis partagent des affinités idéologiques plus marquées à gauche et au centre-gauche, promettant une politique plus sociale et environnementale. Cependant, l’indétermination de ces sièges supplémentaires met en lumière le risque d’instabilité, avec un exécutif susceptible de vaciller à la première motion de méfiance.

Réactions et critiques de l’exclusion du MR

À peine annoncée, la décision a suscité une vague de critiques, notamment de la part de George Louis Boucher. L’ancien formateur MR a qualifié cette manœuvre de « trahison du résultat électoral » : « On ne respecte pas le vote des Bruxellois en écartant systématiquement la première formation francophone », a-t-il martelé. Pour le MR, ce choix dessine un précédent dangereux où l’on privilégierait des alliances « idéologiquement confortables » au détriment de la représentation proportionnelle.

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Du côté du PS, l’accueil est plus réservé. Certains ténors socialistes estiment que la majorité PS-Engagés-Écolo-DéFI reste insuffisante pour conduire une politique crédible sans fragiliser l’exécutif. Le climat de défiance perdure, et la méfiance envers tout accord avec des députés indépendants pourrait compliquer la mise en œuvre d’un programme solide.

Les enjeux pour les Bruxellois

Au-delà des jeux de chaises politiques, c’est la capacité à répondre aux besoins des habitants qui est en jeu. Les secteurs de la mobilité, de l’enseignement ou encore de l’aide sociale patientent depuis des mois en l’absence de décisions plénières. À terme, cette paralysie pourrait freiner des projets structurants, comme le développement des pistes cyclables ou la rénovation des écoles.

Par ailleurs, ce blocage prolongé nourrit un sentiment de défiance envers les institutions. Les Bruxellois s’interrogent sur la légitimité démocratique d’un exécutif instable, construit sur un siège chèrement négocié. La montée du mécontentement citoyen pourrait profiter aux formations extrémistes lors des prochaines échéances, dans un contexte où la confiance en la classe politique atteint un plus bas historique.

Perspectives et questions ouvertes

La scène politique bruxelloise reste en suspens : les indécis du bout du couloir francophone accepteront-ils l’appel des quatre partis sans MR ? La formation majoritaire flamande sera-t-elle en mesure de composer sans le soutien de l’Open VLD, également en conflit avec le MR ? Enfin, comment Bruxelles parviendra-t-elle à assurer la continuité des services publics alors que chaque jour sans gouvernement accentue les retards et les frustrations ?

À terme, cette crise pourrait redessiner les équilibres politiques en Région bruxelloise, imposant une réflexion plus profonde sur le respect du suffrage universel et la gouvernance proportionnelle. Mais pour l’heure, la capitale reste à l’arrêt, prisonnière d’une mécanique institutionnelle grippée que personne n’a encore su remettre en marche.

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