La commune d’Etterbeek vient d’annoncer la suppression de 24 places de stationnement dans le cadre du réaménagement du square Forte dei Marmi et de la rue Gray. Une décision qui transforme un paisible quartier résidentiel en champ de bataille entre les défenseurs de la voiture-roi et les apôtres de la ville verte. Bienvenue dans le microcosme bruxellois, où chaque place de parking devient un enjeu géopolitique majeur.
24 places qui valent leur pesant de polémiques
Vingt-quatre places de parking. Pas vingt-trois, pas vingt-cinq. Exactement vingt-quatre petits rectangles d’asphalte qui vont déchaîner les passions etterbeekoises pendant les mois à venir. Car voyez-vous, dans l’art subtil de l’urbanisme bruxellois, supprimer une place de stationnement équivaut presque à déclarer la guerre à l’automobiliste moyen.
La commune d’Etterbeek, dans sa grande sagesse écologique, a décidé que le square Forte dei Marmi et la rue Gray méritaient mieux que ces vulgaires rectangles où viennent se poser les quatre roues du quotidien. Exit donc ces 24 emplacements qui vont laisser place à… quoi exactement ? Des espaces verts, des bancs, peut-être même des arbres ! Révolutionnaire, non ?
L’écologie contre la praticité : le match du siècle
D’un côté, nous avons les « verts », ces idéalistes qui rêvent d’une ville où l’on peut respirer sans masque à gaz et où les enfants peuvent jouer sans risquer de finir en pancake sous les roues d’un SUV urbain. De l’autre, les « pragmatiques », ces réalistes qui savent qu’entre porter ses courses sur 500 mètres ou tourner 45 minutes pour trouver une place, le choix est vite fait.
Le projet de réaménagement s’inscrit dans cette grande mode de la « ville durable » qui consiste à transformer chaque coin de rue en jardin d’Éden. Une noble ambition, certes, mais qui oublie parfois que les habitants d’Etterbeek ne sont pas tous des cyclistes olympiques capables de transporter un frigo sur leur biclou.
Les automobilistes, ces parias des temps modernes
Car il faut bien le reconnaître : posséder une voiture en 2024 dans une commune bruxelloise, c’est un peu comme avouer qu’on mange de la viande rouge tous les jours ou qu’on utilise encore des sacs plastiques. Un crime contre l’humanité qui mérite d’être puni par la suppression systématique de toute possibilité de stationnement.
Les autorités communales, armées de leurs meilleures intentions écologiques, mènent une guerre d’usure contre l’automobile. Chaque projet d’aménagement devient prétexte à grignoter quelques places supplémentaires, comme si faire disparaître les voitures allait magiquement les transformer en vélos électriques.
Cette stratégie du « on supprime d’abord, on réfléchit après » a au moins le mérite de la simplicité. Plus de places de parking égale moins de voitures, moins de voitures égale moins de pollution. CQFD ! Dommage que la réalité soit légèrement plus complexe et que les automobilistes ne se volatilisent pas par enchantement.
Le syndrome du « pas dans mon quartier »
Car derrière cette guerre de l’espace public se cache une réalité moins avouable : les voitures ne disparaissent pas, elles se déplacent. Les 24 places supprimées à Etterbeek ne vont pas magiquement transformer leurs utilisateurs en fervents adeptes du transport en commun. Elles vont simplement les pousser à aller polluer les rues adjacentes.
C’est le fameux effet « ballon de baudruche » : on appuie d’un côté, ça gonfle de l’autre. Les riverains du square Forte dei Marmi vont peut-être pouvoir profiter de leur nouveau petit paradis vert, mais leurs voisins des rues voisines vont découvrir les joies du stationnement sauvage matinal.
L’art de vendre la contrainte comme un progrès
Il faut saluer le talent des communicants communaux qui parviennent à présenter chaque suppression de commodité comme une amélioration de la qualité de vie. « Réaménagement », « requalification », « verdurisation » : tout un vocabulaire fleuri pour dire qu’on vous retire quelque chose que vous utilisiez quotidiennement.
Le discours est rodé : ces 24 places de parking étaient en réalité un « gâchis d’espace public » qu’il fallait « restituer aux habitants ». Comme si les automobilistes qui y garaient leur véhicule n’étaient pas des habitants, mais des extraterrestres venus coloniser l’asphalte etterebekoise.
La démocratie participative à géométrie variable
Bien entendu, le projet a fait l’objet d’une « large concertation citoyenne ». Comprenez : on a organisé quelques réunions où sont venus les habitués des assemblées de quartier, ces citoyens modèles qui ont le temps et l’énergie de se battre pour leurs convictions urbanistiques.
Les autres, ceux qui bossent jusqu’à 19h et qui rentrent chez eux en voiture parce que les transports en commun mettent deux fois plus de temps, n’ont généralement ni le loisir ni l’envie de venir débattre de l’avenir de leur quartier un mardi soir à 20h dans une salle communale.
Résultat : les décisions sont prises par et pour une minorité active, pendant que la majorité silencieuse découvre les changements le jour où les ouvriers arrivent avec leurs marteaux-piqueurs.
Le grand écart entre idéal et réalité
Car au fond, tout le monde est d’accord sur le principe : qui ne rêve pas d’espaces verts, d’air pur et de rues apaisées ? Le problème, c’est que la transition écologique ne se décrète pas d’un coup de baguette magique municipale. Elle suppose des alternatives, des solutions de substitution, une approche progressive qui tienne compte des contraintes réelles des habitants.
Supprimer 24 places de parking sans proposer d’alternative concrète (non, dire « prenez le tram » n’est pas une solution quand le tram ne dessert pas votre destination), c’est un peu comme interdire la malbouffe sans ouvrir de magasins bio abordables : moralement satisfaisant, pratiquement problématique.
Le syndrome de la commune laboratoire
Etterbeek, comme beaucoup de communes bruxelloises, souffre du syndrome de la « commune laboratoire ». Chaque mandataire veut laisser sa trace, prouver qu’il est à la pointe de l’écologie urbaine, quitte à transformer ses administrés en cobayes de l’urbanisme durable.
Cette course à l’innovation écologique pousse parfois à des décisions spectaculaires mais mal préparées. On supprime d’abord, on évalue ensuite. Et si ça ne marche pas ? Eh bien, on accusera les citoyens de résistance au changement.
L’addition cachée de la vertu écologique
Car derrière ces nobles intentions se cachent aussi des réalités moins avouables. Supprimer des places de parking, c’est aussi faire des économies sur l’entretien de la voirie. Créer des espaces verts, c’est valoriser l’immobilier du quartier au profit des propriétaires, quitte à pousser dehors les locataires qui ne peuvent plus se garer.
Cette gentrification verte, masquée derrière des discours sur le développement durable, transforme progressivement les quartiers populaires en zones réservées aux classes moyennes éco-conscientes qui ont les moyens de s’adapter aux nouvelles contraintes urbaines.
Vers la paix des braves ?
Alors, faut-il pour autant renoncer à tout aménagement ? Bien sûr que non. Mais peut-être serait-il temps d’adopter une approche moins dogmatique, qui tienne compte des besoins réels de tous les habitants, pas seulement de ceux qui partagent les convictions écologiques du moment.
Au lieu de supprimer brutalement 24 places, pourquoi ne pas en expérimenter la fermeture temporaire ? Au lieu d’imposer, pourquoi ne pas proposer ? Au lieu de culpabiliser les automobilistes, pourquoi ne pas les accompagner vers des alternatives viables ?
L’urbanisme durable, ce n’est pas la guerre contre la voiture, c’est l’art de concilier les aspirations légitimes de chacun avec les contraintes environnementales du moment. Un art subtil qui demande plus de nuances que de grands coups d’éclat communicationnels.
En attendant, les 24 places d’Etterbeek vont rejoindre le grand cimetière du stationnement bruxellois, et les automobilistes vont continuer leur errance quotidienne à la recherche du Graal : une place libre à moins de dix minutes de marche de leur destination.
Le réaménagement du square Forte dei Marmi démarrera prochainement. Les automobilistes concernés sont priés de s’adapter ou de déménager. Les alternatives seront étudiées ultérieurement, budget et bonnes volontés permettant.
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