Fermeture imminente de la Centrale pour l’art contemporain : une page se tourne
Alors que la Ville de Bruxelles fait face à des contraintes budgétaires croissantes, la Centrale pour l’art contemporain s’apprête à tirer sa révérence en février 2026. L’ultime exposition, consacrée à l’artiste français Grégoire Motte, se déploie dès ce jeudi dans la vitrine de la place Sainte-Catherine, offrant une dernière fenêtre ouverte sur l’art contemporain.
Un dernier souffle : l’exposition de Grégoire Motte
Concrètement, l’événement présenté jusqu’au 22 février 2026 met en lumière l’apparition mythologique de Witloof, version revisitée par Grégoire Motte. Visible depuis la rue Sainte-Catherine, cette installation joue sur la frontière entre sculpture et narration, invitant les passants à s’interroger sur les symboles et la mémoire collective. En pratique, la vitrine de la Centrale devient un espace d’exposition minimaliste, où l’artiste déploie un dialogue entre le végétal et le mythe. Ce dernier coup de projecteur illustre la capacité de la structure à offrir, chaque saison, une scène inattendue aux créateurs émergents ou confirmés.
Un symbole fragilisé : histoire et rôle de la Centrale
Ouverte en 2006 dans l’ancienne centrale électrique de la place Sainte-Catherine, la Centrale pour l’art contemporain a rapidement gagné ses galons d’institution majeure de la scène belge. Ce lieu patrimonial, inscrit dans le maillage historique de Bruxelles, a accueilli plus d’une centaine d’expositions en presque vingt ans. En termes de rayonnement, la Centrale a su tisser des partenariats avec des festivals, des écoles d’art et des galeries, participant ainsi à la vitalité culturelle de la capitale. Cependant, confronté à l’émergence de nouvelles formes d’art et à la concurrence des galeries privées, l’établissement s’était aussi distingué par sa mission d’accessibilité : rendre l’art contemporain visible et gratuit, notamment grâce à la promenade dans la vitrine.
Budget et arbitrages : pourquoi fermer ?
La décision de la Ville de Bruxelles, annoncée début décembre par le bourgmestre Philippe Close, s’inscrit dans la présentation du budget 2026. En pratique, les recettes fiscales locales n’ont pas suffisamment suivi la hausse des coûts de fonctionnement, obligeant les autorités à faire des choix. Philippe Close a reconnu que la fermeture n’a pas été « prise de gaieté de cœur », mais justifie ce geste par la nécessité de redéployer les ressources vers des priorités jugées plus urgentes : infrastructures scolaires, aides sociales et entretien du patrimoine urbain. À terme, l’enjeu est de contenir un déficit structurel sans alourdir les taxes locales. Or, la culture étant souvent considérée comme un « poste variable », elle apparaît comme la première cible des coupes budgétaires, malgré son rôle identitaire et économique.
Réactions et controverses politiques
Dans l’opposition, les groupes Ecolo et Groen ont dénoncé un « recul culturel majeur », réclamant la suspension immédiate de la décision. Pour eux, la fermeture de la Centrale signe un désengagement inquiétant de la puissance publique en matière de soutien à la création contemporaine. Les réactions ne se limitent pas à la sphère politique : plusieurs collectifs d’artistes et de galeristes ont formulé des pétitions et organisé des rencontres pour plaider en faveur d’une subvention provisoire ou d’un partenariat public-privé. Mais la Ville, confrontée à la complexité d’équilibrer ses comptes, semble fermée à toute renégociation d’ici à la fin de l’année.
Conséquences pour la scène artistique bruxelloise
À moyen terme, la disparition de la Centrale prive la capitale belge d’un espace d’exposition original, ancré dans un bâtiment patrimonial et accessible à un large public. Les artistes émergents y trouvaient un tremplin pour expérimenter hors des circuits commerciaux. Désormais, ces créateurs devront se tourner vers des galeries privées, des centres d’art alternatifs ou les institutions régionales, qui n’offrent pas toujours les mêmes conditions de visibilité ni de gratuité. Les professionnels redoutent un effet domino : des programmations dispersées, un émiettement du public et une perte de cohérence pour l’écosystème artistique bruxellois.
Quelles alternatives et quelles perspectives ?
Face à cette vacance programmée, plusieurs pistes sont à l’étude pour réinvestir le lieu de la place Sainte-Catherine. Certains élus évoquent la reconversion de la halle en lieu de coworking culturel, d’autres proposent un incubateur de start-up artistiques ou une extension du musée de la Ville de Bruxelles. Par ailleurs, des projets de « boîte à projets » itinérante circulant dans différents quartiers sont également présentés comme alternative pour maintenir une offre d’art contemporain décentralisée. Toutefois, ces solutions dépendront pour beaucoup de la capacité de la Ville à nouer des partenariats financiers et à rassurer les acteurs privés autour d’un modèle cofinancé.
Olivier Meynaerts est un éditorialiste aguerri avec une expérience dans le domaine de l’analyse et de la critique. Reconnu pour sa capacité à interpréter l’actualité avec perspicacité, il offre des perspectives éclairées et provocantes. Sa plume incisive et son engagement envers une information de qualité font de lui un leader d’opinion respecté, guidant notre équipe avec détermination.


0 commentaires