Les Engagés prennent les rênes à Bruxelles : un pari risqué pour sortir de 550 jours de paralysie
Après 550 jours de blocage, les Engagés renoncent à une alliance avec le MR et confient à leur président, Yvan Verougstraete, le rôle de formateur. Son objectif : bâtir un gouvernement bruxellois de sept partis, sans majorité assurée, pour sortir la Région de l’impasse politique et redresser un déficit d’au moins un milliard d’euros.
Une crise prolongée depuis les élections de juin 2024
En juin 2024, le MR sort grand vainqueur des urnes à Bruxelles, mais il échoue depuis à former une majorité. Concrètement, aucune coalition n’a réussi à rassembler au-delà des clivages communautaires et des divergences idéologiques. Cette impasse dure depuis plus d’un an et demi, fragilisant le fonctionnement des institutions bruxelloises et ralentissant l’adoption de mesures urgentes pour les Bruxellois.
La Région capitale se distingue par sa complexité institutionnelle : un parlement divisé en deux collèges linguistiques, une Chambre francophone et une Chambre néerlandophone, chacune devant approuver les décisions majeures. Depuis le scrutin, chaque tentative de coalition avec la N-VA ou l’Open VLD se heurte aux exigences contradictoires de la droite flamande et des partis francophones plus à gauche. Résultat : 550 jours sans exécutif régional stable.
Sept partis autour de la table… pour 43 sièges seulement
Yvan Verougstraete propose désormais une formation de gouvernement composée de PS, Ecolo, DéFI et les Engagés côté francophone, ainsi que Groen, Vooruit et CD&V côté néerlandophone. Cette alliance représente 43 sièges sur les 89 que compte le parlement bruxellois. Concrètement, elle reste en deçà de la majorité absolue, ce qui oblige Verougstraete à solliciter le soutien de l’Open VLD et de deux députés indépendants, Fabian Maingain et Soulaimane El Mokadem.
Dans une lettre adressée aux Bruxellois, le président des Engagés martèle : « L’heure n’est plus aux jeux politiques mais à l’urgence de trouver une solution, pour la population ». Il insiste sur la nécessité de réformes structurelles ambitieuses, notamment pour améliorer la trajectoire budgétaire d’au moins un milliard d’euros. Cependant, l’Open VLD, fidèle à sa ligne, a déjà exclu de gouverner sans la N-VA, ce qui laisse planer un doute sur la faisabilité de ce soutien externe.
Fragilité politique et impératifs de réforme
Cette coalition hétéroclite doit composer avec des objectifs parfois opposés. Le PS exige un redressement budgétaire sans sacrifier les services publics, tandis que Groen et Vooruit mettent l’accent sur la transition écologique et la mobilité durable. À côté, le CD&V et les Engagés cherchent à préserver la compétitivité économique et à renforcer le dialogue intercommunautaire. En pratique, ils devront trouver un terrain d’entente sur des réformes jugées vitales pour le futur de Bruxelles.
« Tenter mille fois la même expérience en espérant un résultat différent, c’est de la pure folie », écrit Verougstraete. Il pose toutefois ses conditions : il ne participera pas à un gouvernement sans ambition de réforme et sans plan sérieux pour restaurer l’équilibre financier. Ce « risque » qu’il prend traduit à la fois un sentiment d’urgence et une prise de conscience des échecs successifs. Le défi sera de transformer cette intention en actes, sans céder aux pressions partisanes.
Équilibre communautaire et cohérence fédérale
Le jeu bruxellois se distingue par la recherche permanente d’équilibre entre francophones et néerlandophones. La coalition proposée respecte cette parité, mais elle doit aussi naviguer entre les lignes du gouvernement fédéral « Arizona », dont Les Engagés et le MR font partie. À terme, une divergence trop marquée entre les politiques régionales et fédérales pourrait provoquer des frictions, voire ralentir l’application des mesures décidées à Bruxelles.
Du côté flamand, l’influence de la N-VA reste forte au niveau national, et l’Open VLD redoute un précédent où l’exclusion du premier parti élu deviendrait une norme. Pour les francophones, écarter le MR – pourtant premier aux élections – peut être perçu comme un « hold-up démocratique », selon les mots du PS. Ces tensions interinstitutionnelles risquent d’ajouter une couche de complexité à des négociations déjà poussives.
Perspectives et risques d’une nouvelle impasse
Si la nouvelle tentative échoue, Bruxelles s’enfoncerait dans une crise sans précédent, alimentant la défiance envers les acteurs politiques. Les services publics les plus sensibles – transports publics, sécurité, propreté urbaine – pourraient souffrir de décisions reportées, tandis que le retard budgétaire se creuserait encore. En filigrane, la question de la cohésion sociale de la capitale européenne se pose : le citoyen perd confiance quand les partis se renvoient la responsabilité.
Face à cette impasse, plusieurs questions restent en suspens : l’Open VLD passera-t-il outre sa condition liée à la N-VA ? Les deux députés indépendants imposeront-ils des mesures fortes en échange de leur soutien ? Et surtout, existe-t-il un plan de secours si cette coalition de sept partis n’atteint toujours pas la majorité ? Yvan Verougstraete, qui affirme ne pas aspirer aux premiers rôles, devra pourtant montrer qu’un gouvernement bruxellois sans le MR est plus qu’un simple espoir : une nécessité pour l’avenir de la Région.
Olivier Meynaerts est un éditorialiste aguerri avec une expérience dans le domaine de l’analyse et de la critique. Reconnu pour sa capacité à interpréter l’actualité avec perspicacité, il offre des perspectives éclairées et provocantes. Sa plume incisive et son engagement envers une information de qualité font de lui un leader d’opinion respecté, guidant notre équipe avec détermination.


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