43 projets citoyens financés en 2024 : entre révolution verte et utopie de quartier, « Inspirons le Quartier » transforme-t-il vraiment Bruxelles ?
Par [Votre nom], Gazette de Bruxelles
Ils sont partout. Dans les parcs, sur les places, au coin des rues. Les nouveaux héros de la transition écologique bruxelloise ne portent ni cape ni collants moulants, mais brandissent fièrement leurs bêches, leurs panneaux solaires artisanaux et leurs… poules. Oui, vous avez bien lu : des poules. En plein Molenbeek.
Bienvenue dans l’univers d' »Inspirons le Quartier », le programme de Bruxelles Environnement qui transforme vos voisins en éco-warriors du dimanche. En 2024, pas moins de 43 collectifs citoyens ont décroché le graal : un chèque allant de 1.399 à 14.685 euros pour concrétiser leurs rêves verts. Budget total ? Plus de 150.000 euros de deniers publics investis dans ce que certains appellent « la révolution par le bas », d’autres « du bricolage subventionné ».
Des poules à Molenbeek, des mares à Saint-Josse
Prenez le projet « COTCOTWEST » : 3.500 euros pour installer un poulailler de 30 m² avec six poules à Molenbeek. L’objectif ? « Sensibiliser les habitants aux enjeux environnementaux » en collectant des œufs frais. Parce qu’apparemment, il fallait des gallinacés pour que les Bruxellois comprennent d’où viennent les œufs. Qui l’eût cru ?
À Saint-Josse-ten-Noode, on ne plaisante pas non plus avec la biodiversité. Le projet « Mare écologique Noguiera » (3.500 euros également) vise à « donner un boost à la biodiversité » en remplaçant les plantes exotiques par des espèces indigènes. Révolutionnaire, vraiment. Nos ancêtres qui plantaient déjà des saules et des aulnes au bord des étangs doivent se retourner dans leur tombe… écologique.
La laine qui fait débat
Mais le pompon revient sans doute à « La Lainerie » de Ganshoren (11.524 euros, rien que ça). Le projet ? Valoriser la laine des « Moutons bruxellois » parce que, tenez-vous bien, « les coûts de transformation de la laine sont tellement élevés que beaucoup d’éleveurs préfèrent la brûler ». Solution logique : organiser des « Trico-thés » où les voisins viennent tricoter ensemble. Parce que manifestement, le problème de la filière lainière belge se résout à coups d’ateliers de quartier.
L’innovation selon Schaerbeek
À Schaerbeek, on voit plus grand avec le projet « Tuinkeuken De Kriekelaar » (14.685 euros, le jackpot !). L’idée ? Étendre une cuisine de quartier existante avec « 3 unités de cuisine mobiles » et un four à pain/pizza. Parce que ce qui manquait vraiment aux 1,2 million de Bruxellois, c’était évidemment un four à pizza supplémentaire géré par des bénévoles.
L’énergie du désespoir
Mention spéciale au projet « Energie solidaire du balai » à Watermael-Boitsfort (14.439 euros). Le nom ne ment pas : il s’agit bien de créer une « communauté d’énergie » de 100 ménages autour de panneaux photovoltaïques partagés. Noble intention, certes, mais quand on sait que la région bruxelloise compte 1,2 million d’habitants, ces 100 ménages pèsent autant qu’une goutte d’eau dans l’océan énergétique belge.
La géographie du militantisme vert
Géographiquement, la révolution verte bruxelloise a ses quartiers généraux. Schaerbeek trône en tête avec 6 projets (les plus motivés ?), suivie de Molenbeek, Forest et Evere avec 4 projets chacune. Curieux de constater que les communes les plus « bourgeoises » ne sont pas forcément les plus représentées. Serait-ce que l’écologie citoyenne est inversement proportionnelle au niveau de vie ? Ou simplement que quand on a les moyens, on préfère payer quelqu’un d’autre pour s’occuper de son compost ?
Entre naïveté et nécessité
Attention, ne nous méprenons pas. Derrière le sarcasme se cache une réalité : ces 43 projets touchent directement plus de 1.000 ménages bruxellois et créent du lien social dans des quartiers parfois délaissés. Quand l’État peine à résoudre les grands défis environnementaux, peut-être que ces initiatives de quartier, aussi modestes soient-elles, constituent un début de solution.
Le projet « Clean Team » d’Evere, porté par « une dizaine de jeunes habitants » qui ramassent les déchets de leur cité depuis fin 2023, illustre parfaitement cette ambiguïté. Touchant ? Absolument. Révélateur d’un problème plus profond de gestion urbaine ? Probablement.
L’argent public, cet éternel débat
Reste la question qui fâche : ces 150.000 euros sont-ils bien investis ? Quand on sait que le budget de Bruxelles Environnement dépasse les 100 millions d’euros annuels, cette somme peut sembler dérisoire. Mais elle représente aussi l’équivalent de trois emplois à temps plein pendant un an. Alors, mieux vaut-il payer des fonctionnaires pour faire le travail ou subventionner des citoyens motivés ?
Vers une Bruxelles plus verte… ou plus naïve ?
Au final, « Inspirons le Quartier » révèle peut-être davantage l’état d’esprit d’une époque que son efficacité réelle. À l’heure où les grands défis climatiques semblent insurmontables, ces micro-initiatives offrent l’illusion réconfortante que chacun peut faire sa part. Entre révolution verte et thérapie collective, la frontière est parfois mince.
Alors oui, ces 43 projets ne sauveront pas la planète. Mais ils sauvent peut-être autre chose : la croyance que l’action collective locale a encore un sens dans un monde de plus en plus globalisé et complexe. Et ça, même avec tout le sarcasme du monde, c’est déjà quelque chose.
En attendant, si vous croisez vos voisins en train de nourrir des poules urbaines ou de tricoter de la laine « locale », vous saurez désormais que c’est pour sauver la planète. Ou au moins leur quartier.
Contact : Pour rejoindre la révolution verte de quartier : inspironslequartier.brussels – Poules et laine non fournies.


0 commentaires