Quand une mesure environnementale se transforme en vaudeville administratif, avec rebondissements, trahisons et coups de théâtre dignes des plus grands classiques belges.
Ah, la Zone de Basses Émissions (LEZ) bruxelloise ! Voici bien le parfait exemple de ce que la Belgique fait de mieux : transformer une idée simple en véritable série télévisée administrative. Depuis 2016, cette saga environnementale nous offre rebondissements, retournements de veste et coups de théâtre avec la régularité d’un métronome déréglé.
2016-2017 : Les Prémices d’une Grande Aventure
Tout commence en juin 2016 quand nos élus découvrent, ébahis, que l’air bruxellois n’est pas aussi pur que celui des Ardennes. Quelle surprise ! L’accord est conclu : il faut une zone de basses émissions à Bruxelles. Une idée révolutionnaire, inspirée par… le reste de l’Europe qui applique déjà ces mesures depuis des années.
Le projet prend forme avec Céline Fremault (CDH) aux commandes, ministre de l’Environnement. L’idée paraît limpide : interdire progressivement les véhicules les plus polluants pour que les Bruxellois puissent respirer sans avoir besoin d’un masque à gaz.
2018 : L’Ère Fremault – Naissance d’une LEZ
Le 1er janvier 2018, la LEZ voit officiellement le jour. Première phase : interdiction des véhicules les plus anciens et les plus polluants. Un calendrier progressif est établi, prévoyant l’exclusion graduelle des véhicules selon leurs normes Euro LEZ Brussels.
« Enfin ! » se disent les poumons bruxellois. Car oui, miracle de la science administrative, dès 2018, on observe une réduction des émissions de polluants atmosphériques. La LEZ fonctionne ! Qui l’eût cru ?
2019-2023 : Les Années d’Expansion Tranquille
Durant ces années, la LEZ poursuit sa progression selon le planning initial. Chaque étape est franchie sans heurt majeur :
- 1er janvier 2020 : Bye-bye aux véhicules encore plus anciens
- 1er janvier 2022 : Nouvelle salve de restrictions
- 1er janvier 2024 : Les véhicules diesel d’avant 2006 deviennent persona non grata
Les résultats sont probants : jusqu’à 30% de réduction de certains polluants en 2022. Les Bruxellois respirent mieux, les particules fines diminuent, et tout le monde semble content… Jusqu’à ce qu’arrive l’échéance de 2025.

2024 : L’Année de Tous les Dangers
Septembre 2024 : La Grande Trahison
C’est là que le feuilleton prend une tournure rocambolesque. En septembre 2024, la nouvelle coalition MR-PS-Engagés décide soudain que finalement, peut-être que cette LEZ, ça va un peu vite. Trop de Bruxellois seraient « impactés » par l’interdiction prévue des véhicles diesel Euro 5 et essence Euro 2 au 1er janvier 2025.
Les débats au Parlement bruxellois tournent au chaos dès septembre. « Il n’y a aucun respect » s’indigne-t-on dans les rangs. Les écologistes accusent, les libéraux temporisent, les socialistes naviguent.
Octobre 2024 : Le Vote Fatidique
Le 4 octobre 2024, c’est le coup de grâce : le Parlement bruxellois vote le report de la LEZ. Onze voix pour, trois contre, une abstention. Le nouveau calendrier ? Report de deux ans jusqu’en 2027.
Magnifique ! Voilà comment on transforme une politique environnementale cohérente en véritable yo-yo législatif. Les véhicules les plus polluants obtiennent un sursis de deux ans, au grand bonheur des poumons bruxellois qui vont pouvoir continuer à s’encrasser allègrement.
Septembre 2025 : Le Retour de la Vengeance
11 septembre 2025 : La Cour Constitutionnelle Entre en Scène
Mais voilà que le 11 septembre 2025, tel un deus ex machina judiciaire, la Cour constitutionnelle débarque et suspend purement et simplement l’ordonnance de report. Surprise ! Les juges considèrent qu’il y a un « préjudice irréparable » à reporter ces mesures environnementales.
Traduction en langage non juridique : « Messieurs-dames les parlementaires, vous faites n’importe quoi avec l’environnement, on remet les compteurs à zéro. »
Le Grand Flou Administratif
Résultat de cette valse hésitation ? Les véhicules diesel Euro 5 et essence Euro 2 sont officiellement interdits depuis le 1er janvier 2025, mais personne ne sera verbalisé « pour le moment ». Le temps que les services « réactivent le système ».
On nage en plein surréalisme administratif : vous êtes dans l’illégalité, mais pas vraiment, enfin si, mais on ne vous sanctionne pas… pour l’instant. C’est beau, la cohérence !
Les Acteurs de Cette Comédie
Les Partisans du Report (MR-PS-Engagés)
« Il faut être réaliste, les gens n’ont pas les moyens de changer de voiture ! »
Ces élus découvrent soudain en 2024 que leurs électeurs roulent en diesel Euro 5. Étonnant, non ? Comme si cette échéance n’était pas connue depuis… 2018 !
Les Défenseurs de la LEZ (Groen-Ecolo-DéFI)
DéFI qualifie le report de « coup politique foireux des pseudo-ingénieurs ». Groen dénonce une « bombe sous les négociations gouvernementales ».
Les Automobilistes
Perdus quelque part entre l’autorisation, l’interdiction, le report, la suspension du report… Ils ne savent plus s’ils peuvent rouler ou pas. Bienvenue à Bruxelles !
Le Calendrier de l’Absurde
- 2016 : « On va faire une LEZ ! »
- 2018 : « C’est parti, calendrier progressif jusqu’en 2035 ! »
- 2024 : « Ah non, finalement, on reporte de deux ans. »
- 2025 : « Re-non, la justice dit qu’on n’a pas le droit. »
- 2025 bis : « Bon, vous êtes interdits mais on ne verbalise pas. »
Les Victimes Collatérales
L’Environnement
Les particules fines ne prennent pas de pause juridique. Pendant que nos élus jouent au ping-pong législatif, les 400 décès prématurés annuels liés à la pollution atmosphérique continuent.
Les Citoyens
Entre ceux qui ont changé de voiture en anticipant la LEZ et ceux qui ont reporté leur achat suite au report, tout le monde y perd. Sauf les concessionnaires, peut-être.
La Crédibilité Politique
Mais ça, c’est une espèce en voie de disparition depuis longtemps à Bruxelles.
Et Maintenant ?
Nous voilà donc avec une LEZ fantôme : officiellement en vigueur selon la justice, officiellement reportée selon le Parlement, officiellement non appliquée selon l’administration. Un chef-d’œuvre de confusion à la belge !
Les automobilistes se retrouvent dans la situation kafkaïenne de ne pas savoir s’ils peuvent circuler ou pas. Les services se grattent la tête pour « réactiver le système ». Les écologistes fulminent. Les libéraux temporisent. Et pendant ce temps, les particules fines continuent leur ballet urbain, indifférentes aux tergiversations humaines.
Perspectives d’Avenir
Le calendrier initial prévoit la sortie progressive des véhicules diesel dès 2030 et des véhicules essence dès 2035. À ce rythme, on se demande combien de suspensions, reports, contre-reports et re-suspensions nous attendent encore.
Car une chose est sûre : à Bruxelles, même quand on veut faire du bien à l’environnement, on arrive à créer un embouteillage administratif. C’est un talent !
En attendant une hypothétique clarification, les Bruxellois peuvent continuer à respirer… avec modération. Et à observer ce spectacle édifiant d’une démocratie qui arrive à transformer une mesure de santé publique en vaudeville institutionnel.
Rendez-vous au prochain épisode de cette série qui n’en finit jamais !


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