Bruxelles : la danse des négociations, et le cadavre politique qui bouge encore

25 Août 2025 | Politique

Gouvernement bruxellois
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Bruxelles, capitale de l’Europe, théâtre de fusillades et laboratoire du dialogue de sourds, ressert ce mois-ci son feuilleton politique : on croyait la Région moribonde, mais surprise, il y a du mouvement ! Enfin, du mouvement, façon zombie : après plus d’un an de coma institutionnel et de négociations façon sous-marin nucléaire (invisible, insonore), quatre partis ont eu la brillante idée de mandater un « facilitateur » afin de ressusciter l’espoir et, peut-être, un gouvernement. Les Engagés, le MR, le PS, Groen, l’Open VLD et Vooruit, dans un élan presque chorégraphié, relancent les discussions. Si le corps bouge, c’est qu’il est encore vivant, non ? On s’accroche à cet espoir comme à un ticket de métro en heure de pointe.

Mais sur le fond, c’est du jamais-vu, même pour Bruxelles : plus de 14 mois sans gouvernement, juste le temps d’apprendre à prononcer « mission de facilitateur » sans pouffer par désespoir. Le spectacle est total : dossiers en suspend, projets dans les limbes, urgence budgétaire et tensions sociales croissantes. Les partis rivalisent de créativité… pour prolonger le suspens ! On vote des budgets provisoires, on repousse la dette, on attend – mais on ne gouverne pas. En coulisses, tout le monde regrette l’incapacité à « mettre son ego de côté » pour sauver ce qui peut l’être.

Budgets en lambeaux et capitale « sous tutelle » ?

Côté budget, c’est la fête au gouffre : la dette régionale a crevé le plafond, passant de 5,5 milliards€ en 2018 à 14,5 milliards€ en 2024. Le déficit explose, les recettes fondent comme neige au soleil et on parle d’un résultat financier 2025 pouvant dépasser les -1,5 milliards. La Banque Nationale tire la sonnette d’alarme, l’association des PME s’arrache les cheveux, la ligne de crédit régionale est réduite de plus de moitié, et la notation fiscale menace de s’effondrer.

Sur le terrain, les conséquences ne sont pas des effets spéciaux : tunnels bloqués, métro en rade, chantiers de rénovation stoppés, 75% des travaux suspendus faute de primes. L’économie résiste, certes, mais la pression monte. Les coupes budgétaires s’enchaînent : moins d’aide aux quartiers précaires, hausse des loyers de 3,4% dans le logement public, précarisation galopante… et toujours, cette impression tenace que les élus bruxellois vivent sur une autre planète, plus proche d’Andromède que de Molenbeek.

Qu’est-ce que la dette de Bruxelles ?

La dette de Bruxelles désigne l’ensemble des emprunts contractés par la Région de Bruxelles-Capitale pour financer ses dépenses publiques (infrastructures, transport, aides sociales, santé, etc.) lorsque ses recettes (impôts, taxes, dotations fédérales) ne suffisent pas à couvrir ces dépenses.

Les chiffres concrets à retenir

  • Montant actuel : En 2024, la dette régionale a dépassé 14,5 milliards€, alors que les recettes annuelles (l’argent rentré par la région) étaient d’un peu moins de 7 milliards€.

  • Ratio alarmant : Ça signifie que la dette représente 230% des recettes annuelles. Autrement dit, pour chaque euro gagné, Bruxelles doit 2,3€ ! En comparaison, la Wallonie tourne autour de 214%, la Flandre à seulement 61% : Bruxelles est donc bien au-dessus de la moyenne nationale.

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Pourquoi en arrive-t-on là ?

  1. Dépenses supérieures aux recettes : Les dépenses publiques de Bruxelles ont augmenté de 17,4% en cinq ans, bien plus vite que les recettes (impôts, taxes).

  2. Crises successives : COVID-19, inflation, conflit ukrainien… La région a dû soutenir l’économie, les habitants et les services publics par des mesures exceptionnelles qui ont creusé les déficits.

  3. Mauvaise gestion et blocage politique : L’incapacité à former un gouvernement empêche de prendre des mesures pour limiter les dépenses et augmenter les recettes, notamment en luttant contre la fraude, en contrôlant mieux les allocations ou en restructurant certains services.

  4. Effet boule de neige : Plus la dette augmente, plus il faut payer des intérêts… donc moins d’argent disponible pour les investissements et les politiques publiques, et la spirale continue.

 

Les politiques déconnecté de la réalité

Imagine que Bruxelles, c’est comme un étudiant Erasmus qui vient d’ouvrir un compte en banque… et découvre la magie de la carte de crédit à débit différé :

  • Il rentre 700 € par mois (bourse, petit job, aide des parents)

  • Mais il dépense 840 €, parce qu’il sort chaque soir, il s’achète des sneakers, nouvelle déco pour l’appartement, et évidemment, il « invite les copains, c’est pour moi cette fois ! »

  • Pour couvrir le trou, il met tout sur la carte de crédit.

  • Résultat : fin d’année, il doit 1,450 € à la banque (soit deux mois de revenus, et un peu plus quand on ajoute les intérêts).

Le problème ? Au lieu de réduire les soirées ou chercher un job d’été, l’étudiant préfère… commander une nouvelle paire de sneakers « parce qu’après tout, il vaut bien ça ». Et il commence à payer des intérêts, voire à demander des avances à ses potes (qui commencent à s’impatienter). La carte chauffe, la banque s’agace, mais la fête continue tant bien que mal, jusqu’au jour où… plus aucune carte ne passe, le banquier débarque à la coloc, et c’est la panique totale.

Voilà à quoi ressemble actuellement la gestion de la dette à Bruxelles : trop de sorties, pas assez de rentrées, mais on fait comme si tout était normal – jusqu’au mur !

 

gouvernement bruxellois

 

Pourquoi Bruxelles est dans l’impasse : le feuilleton (in)terminable des égos politiques

  1. Un an sans gouvernement : records battus côté siège musical
    Bruxelles vient d’aligner plus d’un an sans véritable gouvernement régional. Les élections ont eu lieu, tout le monde a bien négocié, mais apparemment personne n’a trouvé la chaise libre. Résultat : toujours pas de coalition, aucune réforme d’envergure, tout est à l’arrêt – et la Région contemple ses urgences budgétaires et sociales… comme on regarderait un incendie depuis le fond de son canapé.

  2. Le blocage en bande organisée : qui ne veut pas de qui ?
    Le grand jeu ici, ce n’est pas vraiment de gouverner, mais de ne pas gouverner avec le mauvais voisin :

  • Les partis flamands (Groen, Open VLD, Vooruit… voire même la N-VA) sont eux parfaitement d’accord pour s’asseoir à la même table, discuter dossiers, compromis et avenir du filet américain. La coopération côté néerlandophone, c’est presque une tradition de famille… sauf qu’elle s’arrête à la porte du salon francophone.

  • Côté francophone, c’est le PS qui pose la plus grande «ligne rouge» : refus total de gouverner avec la N-VA. Oui, cette même N-VA qui… dirige tranquillement le gouvernement fédéral avec brio et intransigeance. Mais à Bruxelles, il semble que le PS préfère encore manger son chapeau que de partager un plateau de négociation avec Bart De Wever ou ses amis.

  • La situation est d’autant plus ubuesque que, côté arithmétique électorale, une large alliance serait à portée de main : il suffirait que le PS avale, ne serait-ce qu’une cuillère d’égo, pour que le gouvernement décolle enfin. Au lieu de quoi, chacun campe sur ses positions dans l’espoir (on ne sait trop lequel) que l’autre cédera.

  1. Conséquences budgétaires : sous perfusion et perfidies
    Cette guerre froide politique a des effets très concrets : la Région fonctionne avec des budgets provisoires, la dette explose façon superproduction hollywoodienne, les investissements sont gelés et l’argent des subsides atteint les associations au compte-goutte. Les écoles, hôpitaux, transports publics et services sociaux tournent au ralenti pendant que tout le monde attend un budget structuré… qui ne vient jamais.

  2. Déconnexion totale : Bruxelles, planète Mars
    Au cœur de ce théâtre d’ombres, les citoyens voient grimper la précarité, la criminalité, la lassitude générale et la sensation d’abandon. Et ils ont de plus en plus l’impression que leurs élus jouent au Risk entre initiés, sans même regarder par la fenêtre la réalité quotidienne bruxelloise.

  3. La menace : être mis en pension par le fédéral
    À force de ne rien faire, la vraie menace pour Bruxelles, c’est la mise sous tutelle fédérale : autrement dit, Bruxelles perdrait son autonomie, la gestion serait reprise par le gouvernement fédéral, et la Région deviendrait la risée des tables de négociation. Un scénario catastrophe… mais qui commence à sérieusement trotter dans les couloirs du pouvoir.

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Voilà où Bruxelles en est : des partis flamands ouverts à la collaboration, un PS qui bloque tout rapprochement avec la N-VA (tout en cohabitant avec elle au niveau fédéral : cherchez l’erreur), et 1,2million de Bruxellois otages d’un épisode politique sans fin. La balle est dans le camp de ceux qui auraient tout à gagner à remanger un peu leur ego !

Se bouger le fion

On pourrait trouver cela drôle, si ce n’était pas tragique : Bruxelles, ville-monde, capitale jet-lag, est menacée de paralysie totale, voire de mise sous tutelle. Tant que les egos restent vissés au canapé du pouvoir, ce sont les budgets qui font les frais et les citoyens qui trinquent – pas de réformes, pas de vision, pas même un semblant de gouvernance. On gardera pour ironie finale que, malgré tout, il reste un peu de vie dans le cadavre : « les négociations reprennent », nous dit-on. Alors oui, bougez-vous le fion, chers dirigeants bruxellois, parce que sinon, la capitale de l’Europe risque bien de devenir la capitale du chaos.

Et pour paraphraser le bruxellois de la rue : « quand le corps bouge encore, il y a de l’espoir ». Mais faudrait peut-être arrêter de danser sur place.

Bruxelles, devenue le « Erasmus insouciant » du budget public, continue à brûler la chandelle par les deux bouts — entre fêtes improvisées sur des dettes colossales et négociations politiques qui ressemblent à un marathon de « tu tires ou tu pointes » où personne ne compte vraiment marquer. Après plus d’un an de gouvernement fantôme, on se demande si la Région n’est pas devenue un escape game grandeur nature, où la sortie serait simplement de prendre enfin une vraie décision.

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Donc, à tous nos stratèges politiques bruxellois : c’est bien gentil de danser la valse des négociations, de papoter sur l’avenir, mais là, il serait temps d’arrêter de commander des mojitos sur la carte de crédit collective. Parce que, spoiler alert, le banquier sonne à la porte et il n’a pas exactement l’intention de relancer la tournée.

Mettons enfin les egos de côté : troquez la stratégie du « le dernier qui se lève paie l’addition » pour un vrai plan de survie commun. Et surtout, rangez les excuses — le moment de bouger le fion, c’est maintenant, sauf à vouloir transformer Bruxelles en musée du chaos administratif !

Allez, on vous regarde. On croise les doigts… mais pas trop longtemps, parce que la carte bancaire, elle, vire déjà au rouge très foncé.

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