L’Éco-Score des Vêtements : Quand la France Réinvente la Notation Environnementale

2 Oct 2025 | Actualité, Politique | 0 commentaires

nutriscore pour vetements
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Après le Nutri-Score pour nos assiettes, voici l’Éco-Score pour nos garde-robes. Depuis le 1er octobre, la France lance son nouveau système de notation environnementale des vêtements. Une initiative louable en apparence, mais qui s’inscrit dans une logique plus inquiétante de surveillance comportementale.

Depuis mercredi dernier, les consommateurs français peuvent découvrir sur certaines étiquettes de vêtements une nouvelle notation : l’Éco-Score. Cette mesure, validée par la Commission européenne, affiche en « points d’impacts » le coût environnemental de chaque vêtement, de sa production à sa fin de vie. Plus le chiffre est élevé, plus l’article est néfaste pour la planète.

Un Système Complexe Basé sur 16 Critères

L’algorithme de calcul s’appuie sur 16 critères principaux définis par la méthodologie européenne PEF (Product Environmental Footprint), complétés par trois critères spécifiquement français. Parmi eux : les émissions de CO2, la consommation d’eau, la toxicité, l’usage de produits phytosanitaires, l’impact des microfibres, les exports de vêtements hors Europe, et surtout la durabilité – un critère visant directement la fast fashion.

Les exemples parlent d’eux-mêmes : un t-shirt en coton chinois d’une marque de fast fashion récolte 1.005 points, tandis qu’un équivalent en coton bio français n’en obtient « que » 367. Un pull en polyester asiatique d’ultra fast fashion explose le compteur à 3.605 points. France Info

Le Nutri-Score : Un Modèle aux Résultats Mitigés

Avant d’analyser les perspectives de ce nouvel étiquetage, interrogeons-nous sur l’efficacité de son grand frère alimentaire. Le Nutri-Score, lancé en 2017, présente des résultats contrastés. Selon Santé publique France, 57% des consommateurs qui connaissent le logo déclarent avoir modifié au moins une habitude d’achat en 2020, contre 26,5% en 2018.

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Des chiffres encourageants en surface, mais qui masquent une réalité plus nuancée. Car si le Nutri-Score influence les déclarations des consommateurs, son impact réel sur leurs paniers reste discutable. Les rayons des supermarchés regorgent toujours de produits ultra-transformés, et l’obésité continue sa progression en France.

L’Éco-Score : Entre Bonne Intention et Complexité

Pour les vêtements, la tâche s’annonce encore plus ardue. Contrairement au Nutri-Score avec ses lettres colorées de A à E, l’Éco-Score s’exprime en points sans plafond défini. Comment un consommateur lambda peut-il saisir qu’un jean à 2.000 points est « acceptable » alors qu’une chaussette à 500 points ne l’est pas ? Cette complexité risque de limiter drastiquement son adoption.

Par ailleurs, l’affichage reste facultatif – du moins pour l’instant. On peut légitimement s’interroger sur la motivation des marques de fast fashion à afficher volontairement leurs mauvaises notes. Shein ou Temu vont-ils spontanément arborer leurs 3.000+ points d’impact ?

Le Véritable Enjeu : Vers un « Crédit Carbone Personnel » ?

Mais l’Éco-Score n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Derrière cette mesure se profile un projet autrement plus ambitieux – et inquiétant : l’instauration d’un système de « crédit carbone personnel ». L’idée ? Attribuer à chaque citoyen un « portefeuille environnemental » de points, débité à chaque achat.

Achetez une piña colada dans un café ? Vos crédits environnementaux diminuent. Craquez pour un jean en fast fashion ? Votre quota carbone s’évapore. Dépassez votre limite mensuelle ? Vos achats peuvent être bloqués, comme le suggèrent déjà certains projets d’euro numérique intégrant des quotas carbone.

L’Impossible Équation de la Surveillance Totale

Ce système séduisant en théorie se heurte à une réalité implacable : son application nécessiterait une surveillance comportementale digne d’un régime autoritaire. Comment calculer précisément l’impact environnemental de chaque achat sans traquer en permanence les citoyens ? Comment déterminer les quotas individuels sans analyser les modes de vie de chacun ?

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L’infrastructure technique requise implique une interconnexion totale des données : géolocalisation, historique d’achats, composition des produits, transport, habitudes personnelles… Un Big Brother écologique qui connaîtrait mieux nos habitudes que nous-mêmes.

Quand l’Écologie Rime avec Totalitarisme

Car derrière la noble cause environnementale se cache une dérive inquiétante : la volonté de contrôler les comportements individuels au nom du bien commun. Ce « crédit social carbone » s’inscrit dans la même logique que les systèmes de notation comportementale chinois, où chaque action est évaluée, notée, sanctionnée.

Aujourd’hui, on nous propose de noter nos vêtements. Demain, nos trajets, nos repas, nos loisirs. Après-demain, nos opinions, nos lectures, nos fréquentations. L’engrenage de la surveillance se met en place sous couvert de « responsabilité environnementale ».

La Fausse Bonne Idée du Moment

L’Éco-Score textile, comme son prédécesseur alimentaire, relève de la fausse bonne idée. Utile pour sensibiliser, inefficace pour transformer durablement les comportements, dangereux s’il devient obligatoire et s’étend à un système de crédit carbone personnel.

Car au-delà de la complexité technique et de l’efficacité douteuse, c’est bien la philosophie sous-jacente qui pose problème. Dans une société libre, l’État a-t-il vocation à dicter nos choix de consommation ? À quantifier notre « vertu environnementale » ? À limiter notre liberté d’achat selon des critères qu’il aurait lui-même définis ?

L’urgence climatique ne justifie pas tous les moyens. Entre l’éducation et la coercition, entre la sensibilisation et la surveillance, il existe un fossé que nos démocraties ne devraient jamais franchir. L’Éco-Score, dans sa version actuelle, reste inoffensif. Mais les projets qui s’esquissent derrière lui dessinent les contours d’une société de contrôle que George Orwell n’aurait pas reniée.

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En attendant, les Français continuent d’acheter massivement sur Shein, première enseigne où ils ont dépensé en 2024. Preuve s’il en fallait que les bonnes intentions gouvernementales se heurtent souvent à la réalité du portefeuille.

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