Sans-abri : évolution des dispositifs d’aide depuis 2020

1 Oct 2025 | Actualité, Politique | 0 commentaires

sans abri bruxelles
5/5 - (1 vote)

Le grand théâtre de la compassion budgétaire

9.777 personnes dans la rue, mais qui compte ?

Bruxelles, octobre 2025 – Dans le grand concours annuel des statistiques sociales, nos élus ont encore frappé fort : 9.777 personnes sans abri ou mal-logées recensées en 2024 contre 7.134 en 2022, soit une progression de 37% en deux ans. Pour une capitale européenne qui se targue d’incarner les valeurs humanistes du Vieux Continent, on ne peut que saluer cette performance… à l’envers.

Mais rassurons-nous : depuis 2020, nos responsables politiques ont déployé un arsenal d’initiatives, de réformes et de « plans d’urgence » qui feraient pâlir d’envie les plus grands stratèges militaires. Le problème ? Sur le terrain, la seule chose qui progresse plus vite que les budgets, c’est le nombre de personnes qui dorment sous les ponts.

Le « New Samusocial » : quand le rebranding remplace la révolution

Commençons par le clou du spectacle : la transformation du scandaleux Samusocial en « New Samusocial » (avec un astérisque, s’il vous plaît, parce que même le nom définitif, ils n’arrivent pas à le trouver). Après les révélations de 2017 sur les rémunérations mirabolantes et la gouvernance de père de famille, nos dirigeants ont trouvé LA solution : changer de nom.

« Ah, mais c’est beaucoup plus qu’un changement de nom ! » s’empresseront de préciser les communicants du secteur. Certes, on a ajouté 5 représentants de la société civile au Conseil d’administration, à côté des 6 représentants politiques habituels. Le hic ? Ces mêmes associations (Médecins du Monde, Diogènes, etc.) touchent des millions de subventions publiques de la Région. Autant dire que la main gauche contrôle la main droite, qui elle-même distribue l’argent à la main gauche. Un cercle vertueux… ou vicieux, selon le point de vue.

L’explosion budgétaire : 73 millions d’euros pour quel résultat ?

Les chiffres donnent le tournis : le budget consacré à la lutte contre le sans-abrisme a plus que doublé depuis 2019, passant de 34,5 millions à 73 millions d’euros (COCOM et Région confondues). Une progression spectaculaire qui mérite les félicitations… si on oublie que le nombre de sans-abri a été multiplié par 5,6 sur la même période.

Lire aussi :  La Renaissance du Spectacle Vivant : Comment Alegría Redonne Vie à Brussels Expo

Faisons le calcul : en 2025, chaque personne sans abri « coûte » théoriquement 7.460 euros par an en dispositifs d’aide. Assez pour se loger décemment pendant plusieurs mois, mais visiblement pas assez pour sortir de la rue. Cherchez l’erreur.

Le grand jeu des chaises musicales budgétaires

2020-2021 : Années COVID, les budgets restent stables. Normal, tout le monde est confiné, même les sans-abri (ironie du sort).

2022 : Premier réveil, +15% de budget. Les élus découvrent que la crise économique produit de la pauvreté. Révolutionnaire.

2023 : Panique générale, +25% de budget supplémentaire. Le fameux « Plan d’urgence logement » de Nawal Ben Hamou promet 8.758 logements d’ici mai 2024. Spoiler alert : on en est loin.

2024-2025 : Nouveau record avec 73 millions d’euros. Et toujours plus de monde dans la rue.

L’hébergement d’urgence : l’art de la multiplication des pains… sans les pains

Les dispositifs d’hébergement d’urgence ont connu une « véritable explosion », dixit les rapports officiels : de 234 à 2.535 personnes accueillies (+983,3%). Impressionnant sur le papier, moins dans la réalité quand on sait que le Samusocial refuse désormais 100 personnes par jour faute de place.

En août 2025, Sébastien Roy, directeur général du Samusocial, a tiré la sonnette d’alarme : 25 familles refusées en une seule journée, y compris des femmes victimes de violences conjugales. Mais bon, il faut bien que les statistiques d’occupation affichent du 100% pour justifier les budgets, n’est-ce pas ?

Les centres d’accueil : des palace de la précarité

Avec 1.109 lits officiels au Samusocial (auxquels s’ajoutent 160 places « d’urgence grand froid »), Bruxelles peut se targuer d’avoir l’une des capacités d’accueil les plus importantes d’Europe. Le problème ? Face à près de 10.000 personnes sans domicile, c’est comme vider l’océan avec une petite cuillère.

Mais nos élus ont trouvé la parade : le « Plan grand froid extrême » qui ouvre 160 places supplémentaires… uniquement quand il fait vraiment, vraiment froid. Parce qu’apparemment, dormir dehors à 5°C, c’est encore supportable.

Lire aussi :  Tour & Taxis : Quand les animaux virtuels remplacent les vrais dans le premier zoo sans cage d'Europe

Le fédéral lâche l’affaire : 325.000€ de moins, des milliers de problèmes en plus

Cerise sur le gâteau de l’incompétence publique : en septembre 2025, le gouvernement fédéral a décidé de supprimer sa contribution de 325.000 euros au Plan Grand Froid. Une paille dans l’océan budgétaire, mais qui représente concrètement des dizaines de lits en moins cet hiver.

La réaction d’Alain Maron (Ecolo), ministre bruxellois de l’Action sociale ? Un tweet indigné et l’annonce que « d’autres coupes fédérales vont suivre ». Formidable : nos responsables découvrent en direct que gouverner, c’est faire des choix. Revolutionary stuff.

Les innovations de l’absurde

Le « Housing First » : la révolution qui n’en est pas une

Dernier gadget à la mode importé des pays nordiques : donner directement un logement aux sans-abri sans condition préalable. 50 logements expérimentaux ont été attribués depuis 2022. Révolutionnaire… quand on a 10.000 personnes à la rue.

Les « coordonnateurs de parcours »

Nouvelle couche administrative : des « coordonnateurs de parcours » pour accompagner individuellement chaque personne. Budget : 2,3 millions d’euros. Résultat : chaque coordinateur peut théoriquement s’occuper de 150 personnes. Efficace comme un parapluie dans un ouragan.

L’adresse de référence : l’invention de la domiciliation fantôme

26.144 personnes disposent d’une « adresse de référence » en Belgique. Traduction : elles n’ont pas de logement, mais peuvent recevoir leur courrier quelque part. Le summum de l’innovation administrative : créer des sans-abri… avec adresse.

Portrait chinois de nos sauveurs

Si Alain Maron était un instrument de musique, il serait un tambour : beaucoup de bruit pour alerter, mais ça ne résout rien.

Si Nawal Ben Hamou était un GPS, elle annoncerait « destination atteinte » alors qu’on n’a même pas démarré la voiture.

Si le Samusocial était une entreprise privée, elle aurait fait faillite depuis longtemps avec un tel ratio coût/efficacité.

Les vrais chiffres qui dérangent

Pendant que nos élus s’auto-congratulent sur leurs budgets en hausse, voici ce que révèlent les vrais indicateurs :

  • Temps d’attente moyen pour un logement social à Bruxelles : 8 ans
  • Nombre de logements sociaux créés en 2024 : 847 (pour 15.000 demandes)
  • Pourcentage du budget régional consacré au logement : 3,2% (contre 7% en moyenne européenne)
  • Nombre de logements vides à Bruxelles : plus de 20.000
Lire aussi :  Les nouveaux projets de mobilité à Bruxelles : Ce qui va changer en 2024

L’hiver arrive : et après ?

Avec la suppression du financement fédéral et l’explosion continue du nombre de sans-abri, l’hiver 2025-2026 s’annonce comme un festival de la débrouillardise institutionnelle. Les associations tirent la sonnette d’alarme une semaine sur deux, les élus promettent des « solutions structurelles » qui arriveront « bientôt », et les personnes à la rue continuent de mourir de froid.

La Brussels Platform Armoede (plateforme de lutte contre la pauvreté) résume parfaitement l’absurdité de la situation : « En 15 ans, le nombre de sans-abri a quintuplé, les budgets ont décuplé, mais les solutions restent au point mort. »

Conclusion : 73 millions d’euros de bonne conscience

Après cinq ans d’augmentations budgétaires spectaculaires, de réformes institutionnelles et de plans d’urgence, le bilan est éloquent : plus d’argent, plus de structures, plus de coordinateurs… et plus de sans-abri que jamais.

Peut-être que le problème ne vient pas du manque de budgets, mais de la façon dont on les utilise ? Peut-être que multiplier les couches administratives et les coordinations interinstitutionnelles ne remplace pas la construction de vrais logements ? Peut-être que rebaptiser les institutions ne suffit pas à changer leurs pratiques ?

Mais chut, il ne faut pas le dire trop fort : cela remettrait en question des décennies de politique sociale bruxelloise. Et ça, c’est beaucoup plus révolutionnaire que tous les « New Samusocial » du monde.

En attendant, si vous cherchez nos 9.777 concitoyens sans domicile cet hiver, vous les trouverez toujours au même endroit : dans la rue.


Les données citées dans cet article proviennent des rapports officiels de Bruss’help, du Samusocial de Bruxelles, de la COCOM et des déclarations publiques des responsables politiques. Malgré le ton, tous les chiffres sont rigoureusement exacts.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles Connexes