Interdiction des Pesticides dans les Jardins Privés à Bruxelles

16 Août 2025 | Bruxelles insolite & histoire, Politique, Vie quotidienne & bonnes adresses

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Vers un paysage urbain zéro pesticide

À compter du 1er août 2025, la Région de Bruxelles-Capitale franchit un nouveau jalon dans sa politique environnementale : l’utilisation de pesticides dans les jardins privés est désormais strictement interdite. Seuls les produits dits « à faible risque » resteront autorisés, tandis que la vente et l’usage des herbicides, fongicides et insecticides classiques seront réservés aux professionnels et encadrés de façon drastique. Retour sur une décision qui bouleverse les habitudes des Bruxellois, ses motivations, ses implications concrètes et les défis qui accompagnent sa mise en œuvre.

Un virage écologique attendu

La mesure n’est pas tombée du ciel. Depuis plus de dix ans, Bruxelles s’est résolument engagée vers le « zéro pesticide » dans les espaces publics : voiries, parcs, jardins publics, hôpitaux, écoles et cimetières sont progressivement passés à une gestion alternative, favorisant le maintien de la biodiversité et la protection de la santé des usagers. Les résultats sont jugés probants : la suppression des produits phytosanitaires nocifs a contribué à rendre l’environnement urbain plus sain, tout en stimulant une dynamique de reverdissement de la ville.

Désormais, la région souhaite étendre cette philosophie aux millions de mètres carrés de jardins privés, ceux détenus par des particuliers, des copropriétés ou des entreprises. Pour les autorités bruxelloises, il s’agit de « boucler la boucle » et d’inscrire définitivement le territoire dans la dynamique du « zéro pesticide ».

Ce qui change concrètement

Dès le 1er août 2025, l’utilisation de produits phytosanitaires dans les espaces privés est interdite. Les seuls produits qui pourront encore être utilisés par les particuliers sont ceux dont le risque pour la santé et l’environnement est jugé faible. On retrouve dans cette catégorie :

  • Les granulés anti-limaces « bio » à base de phosphate de fer ;

  • Les fongicides à base d’hydrogénocarbonate de potassium ;

  • Les produits à base de COS-OGA, qui stimulent les défenses naturelles des plantes.

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Les substances de base – comme le lait, la bière, le bicarbonate de soude, le vinaigre ou l’ortie – officiellement reconnues, demeurent autorisées si elles respectent les modalités d’usage précisées sur Fytoweb, le site fédéral de référence.

En revanche, herbicides, fongicides, insecticides et autres formulations chimiques ne seront plus à la portée du grand public. Les jardiniers professionnels auront encore la possibilité d’utiliser certains produits, mais seulement dans des situations exceptionnelles et sous encadrement strict.

La vente des pesticides dangereux sera également modifiée : seuls les produits à faible risque resteront disponibles en libre-service dans les magasins bruxellois. Les autres devront être conservés derrière des vitrines, accessibles uniquement par l’intermédiaire de vendeurs habilités.

Pourquoi cette mesure ?

La toxicité des pesticides pour la santé humaine et animale, ainsi que pour l’environnement, n’est plus à démontrer. Ces produits sont notamment accusés de détruire la microfaune des sols, d’affaiblir la biodiversité, de polluer l’eau et l’air, et de favoriser le développement de pathologies chroniques chez l’homme. Si l’usage professionnel fait l’objet de contrôles et de formations obligatoires, la pulvérisation anarchique dans les jardins privés échappait jusqu’alors à toute régulation effective.

Pour Henri Caulier, coordinateur du programme de réduction des pesticides chez Bruxelles-Environnement, « la gestion écologique est tout à fait possible, même sur des surfaces importantes : nous gérons depuis 2019, 400 hectares de parcs sans ces produits, et ça marche ! ». Le pari est donc de convaincre le grand public d’adopter des techniques alternatives – paillage, plantes couvre-sol, désherbage manuel – et de renoncer à la facilité de l’entretien chimique.

Les alternatives pour jardiner autrement

La Région bruxelloise met en avant une série de solutions pour se passer des pesticides. Les jardins naturels, riches en diversité florale, invitent à la patience et à l’innovation. Sur le portail renature.brussels, les particuliers découvrent des méthodes accessibles et peu coûteuses :

  • Utilisation de plantes locales et rustiques, plus résistantes aux maladies ;

  • Mise en œuvre du paillage pour limiter la levée des mauvaises herbes et préserver l’humidité du sol ;

  • Cultures associées, qui tirent profit du compagnonnage végétal ;

  • Encouragement de la faune auxiliaire (coccinelles, hérissons, oiseaux) pour lutter naturellement contre les parasites.

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Des formations gratuites sont proposées, notamment sur l’obtention d’une phytolicence et sur les techniques de jardinage écologique, via la plateforme nature-academy.brussels.

Difficultés et ambiguïtés sur le terrain

Si le principe de l’interdiction est clair, son application se heurte à plusieurs obstacles. La réglementation belge divise les compétences entre le fédéral et le régional : c’est le fédéral qui décide des autorisations de mise sur le marché, tandis que les régions encadrent l’usage des produits. Résultat : certains produits interdits à l’usage restent néanmoins disponibles à la vente, semant la confusion chez les consommateurs. « Si on me le vend, c’est que je peux l’utiliser », s’interroge légitimement Thibaut Mottet, conseiller technique chez Adalia.

Une partie du public demeure attachée aux pratiques classiques et rechigne à franchir le cap du désherbage manuel ou des méthodes préventives. L’évolution des mentalités reste un enjeu central, qui nécessite de poursuivre les campagnes de sensibilisation et d’accentuer la formation des jardiniers amateurs.

Impacts attendus

À court terme, certains propriétaires redoutent la prolifération des « mauvaises herbes » ou la perte esthétique de leur extérieur. Pourtant, les retours d’expérience des espaces publics bruxellois témoignent d’une amélioration au niveau de la biodiversité, du retour de la faune auxiliaire et d’un environnement plus sain pour tous. Des études démontrent que les jardins naturels abritent davantage d’espèces d’insectes, favorisent la pollinisation et participent au cycle écologique de la ville.

À long terme, la mesure vise à renforcer la résilience des écosystèmes urbains face au changement climatique, tout en réduisant les risques sanitaires liés à l’exposition indirecte aux produits phytosanitaires.

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Dérogations et obligations professionnelles

Si les particuliers s’inscrivent d’office dans la démarche zéro pesticide, des dérogations sont prévues pour les professionnels du secteur vert (jardiniers, horticulteurs, agriculteurs urbains). Ceux-ci devront toutefois s’enregistrer dès février 2026 auprès de Bruxelles Environnement et tenir un registre précis de l’utilisation éventuelle des produits phytopharmaceutiques. Dès 2027, la notification annuelle de ce registre deviendra obligatoire.

Les lignes directrices de la lutte intégrée devront être scrupuleusement respectées, à travers la mise en œuvre de stratégies opérationnelles propres à chaque secteur ou culture.

Vers un modèle urbain durable

L’interdiction des pesticides dans les jardins privés bruxellois marque une étape clé dans la construction d’une métropole durable et exemplaire. En favorisant le jardinage naturel, en responsabilisant les citoyens et en encadrant sévèrement la vente et l’usage des produits phytosanitaires, Bruxelles illustre sa capacité à faire évoluer les pratiques urbaines et à placer la santé publique au cœur des préoccupations.

Ce choix radical impose certes des ajustements et des efforts nouveaux, mais il participe à une dynamique positive dont les bénéfices se feront sentir pour les générations à venir. La nature reprend ses droits, et le jardin bruxellois se métamorphose peu à peu en un espace de biodiversité et de créativité écologique, modèle pour d’autres régions en Europe.


Pour toute question sur cette nouvelle obligation ou sur les méthodes alternatives, la Région bruxelloise met à disposition le courriel pesticide@environnement.brussels et des ressources pédagogiques en ligne. Embrasser le « zéro pesticide », c’est choisir la santé, la nature et l’avenir.

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